Introduction
Le livre des Proverbes est un ensemble de livrets d’origines différentes, non exclusivement israélites. Il rassemble des matériaux très proches de la sagesse égyptienne. Il est le premier livre biblique à avoir consigné la morale expérimentale des anciens à transmettre aux enfants, ou plus précisément du père au fils. Ces recueils en viennent ainsi à définir une morale dans les comportements familiaux, sociaux et politiques.
Mon fils, observe la discipline que t’impose ton père
et ne néglige pas l’enseignement de ta mère (Pr 1,8).
Le livre débute par une courte introduction qui attribue cet ensemble à Salomon, selon une pratique courante à l’époque, où l’auteur se cache sous le patronage d’une autorité reconnue.
Proverbes de Salomon, fils de David, roi d’Israël, destinés à faire connaître la sagesse, à donner l’éducation et l’intelligence des sentences pleines de sens, à faire acquérir une éducation éclairée : justice, équité, droiture ; à donner aux naïfs la prudence, aux jeunes, connaissance et discernement ; (…) destinés à donner l’intelligence des proverbes et énigmes, des propos des sages et de leurs charades (Pr 1,1-6).
Après cet éloge de l’intelligence et des bienfaits de la transmission par l’éducation, l’auteur souligne d’emblée la spécificité de la sagesse d’Israël.
La crainte de Yhwh est le principe du savoir ;
sagesse et éducation, seuls les fous s’en moquent (Pr 1,7).
Livret I
Le premier livret (1,8-9,18) est un recueil de poèmes plus ou moins longs, qui sont des exhortations chaleureuses à écouter la sagesse.
Cet effort intellectuel débouche sur la compréhension de ce qu’est la crainte de Yhwh:
Si, prêtant une oreille attentive à la sagesse, tu soumets ton cœur à la raison ; oui, si tu fais appel à l’intelligence, si tu invoques la raison, si tu la cherches comme l’argent, si tu la déterres comme un trésor, alors tu comprendras ce qu’est la crainte de Yhwh, tu trouveras la connaissance de Dieu. Car c’est Yhwh qui donne la sagesse, et de sa bouche viennent connaissance et raison (Pr 2,2-6).
Le lien entre sagesse et crainte de Yhwh est repris tout au long du livre des proverbes.
La crainte de Yhwh est le commencement de la sagesse et l’intelligence est la science des saints (Pr 9,10).
La crainte de Yhwh est fontaine de vie ! Elle détourne des pièges de la mort (Pr 14,27).
La crainte de Yhwh est une discipline de sagesse ; avant la gloire : l’humilité (Pr 15,33).
Le livre des Proverbes en associant l’intelligence à la crainte de Yhwh, enrichit encore cette expression qui exprimait le sentiment de la présence et de la confiance en Yhwh.
La sagesse est associée à l’humilité, car s’il faut faire preuve d’intelligence, il faut se méfier de la prétention de l’intelligence et de la sagesse.
Fie-toi à Yhwh de tout ton cœur et ne t’appuie pas sur ton intelligence.
Dans toute ta conduite sache le reconnaître, et lui dirigera tes démarches.
Ne sois pas sage à tes propres yeux, crains plutôt Yhwh et détourne-toi du mal (Pr 3,5-7).
Si Yhwh se moque des moqueurs, il accorde sa faveur aux humbles (Pr 3,34).
La sagesse ne manquera pas de produire des fruits chez le sage.
Qui m’écoute repose en sécurité, tranquille, loin de la crainte du malheur (Pr 1,33).
Ainsi, ta conduite sera celle des braves gens, tu observeras celle des justes. Les hommes droits habiteront la terre, les hommes intègres y resteront, tandis que les méchants seront retranchés de la terre et que les perfides en seront arrachés (Pr 2,20-22).
La sagesse ouvre un champ de liberté où les compétences et les goûts de chacun pourront s’exprimer, elle est la source pour l’homme de plénitude et de jouissance. La sagesse est rattachée au bonheur et aux délices de la création.
Les voies de la sagesse sont des voies délicieuses et ses sentiers sont paisibles.
L’arbre de vie c’est elle pour ceux qui la saisissent, et bienheureux ceux qui la tiennent (Pr 3,17-18)!
L’origine de la sagesse est en Yhwh.
Yhwh a fondé la terre par la sagesse, affermissant les cieux par la raison. C’est par sa science que se sont ouverts les abîmes et que les nuages ont distillé la pluie (Pr 3,19-20).
Cette sagesse hébraïque n’a pas le caractère contraignant et ennuyeux d’actes qu’il faut accomplir contre son gré, pour se soumettre à un dieu et lui plaire. Paradoxalement, la crainte de Yhwh délivre de toute peur.
Si tu te couches, ce sera sans terreur; une fois couché, ton sommeil sera agréable.
Ne crains pas une terreur soudaine, ni l’irruption des méchants, quand elle viendra ;
car Yhwh sera ton assurance et du piège il gardera tes pas (Pr 3,24-26).
La sagesse est associée à la générosité.
Ne refuse pas de faire du bien à qui en a besoin quand tu peux le faire (Pr 3,27).
L’auteur établit alors clairement l’équation à la base de la morale : faire le mal entraîne le malheur et faire le bien entraîne le bonheur.
La malédiction de Yhwh est sur la maison du méchant,
mais il bénit la demeure des justes (Pr 3,33).
Face à l’obscurité dans laquelle vivent les corrompus, la lumière de la sagesse apporte santé et vie:
Le chemin des méchants c’est l’obscurité, ils ne savent pas sur quoi ils vont trébucher.
Mon fils, prête attention à mes paroles, tends l’oreille à mes propos.
Qu’ils ne s’éloignent pas de tes yeux ; garde-les au fond de ton cœur.
Car ils sont vie pour qui les recueille et santé pour tout son être.
Garde ton cœur en toute vigilance car de lui dépendent les limites de la vie (Pr 4,18-23).
Dans le domaine de la vie sexuelle, la sagesse fait l’éloge de l’homme fidèle à la femme de sa jeunesse.
Qu’elles soient pour toi seul et pas pour des étrangers avec toi.
Que ta fontaine soit bénie et jouis de la femme de ta jeunesse, biche amoureuse et gracieuse gazelle. Que ses seins te comblent en tout temps. Enivre-toi toujours de son amour.
Pourquoi t’enivrerais-tu, mon fils, d’une dévergondée et embrasserais-tu le sein d’une étrangère ? (Pr 5,17-20)
La Sagesse n’est pas un simple code moral; en tant qu’émanation divine personnifiée (Pr 1,20; 8,1–9,6), elle s’écrit avec une majuscule.
Yhwh m’a engendrée, prémice de son activité, prélude à ses œuvres anciennes.
J’ai été sacrée depuis toujours, dès les origines, dès les premiers temps de la terre.
Quand les abîmes n’étaient pas, j’ai été enfantée (Pr 8,22-24a).
Elle est associée à la parole de Yhwh, source du bonheur.
Heureux qui écoute la Sagesse. Et maintenant, fils, écoutez-moi. Heureux ceux qui gardent mes voies ! Écoutez la leçon pour être sage et ne la négligez pas. Heureux l’homme qui m’écoute, veillant tous les jours à ma porte, montant la garde à mon seuil ! (Pr 8,32).
La quête de la Sagesse apparaît ainsi vitale.
Car celui qui me trouve a trouvé la vie et il a rencontré la faveur de Yhwh (Pr 8,35).
Elle est perçue comme une mère nourricière.
« Y a-t-il un homme simple ? Qu’il vienne par ici ! » A qui est dénué de sens elle dit : « Allez, mangez de mon pain, buvez du vin que j’ai mêlé. Abandonnez la niaiserie et vous vivrez! Puis, marchez dans la voie de l’intelligence » (Pr 9,4-6).
Livret II
Ce recueil toujours attribué à Salomon est le plus long du livre (Pr 10,1-22,16), c’est un ensemble de maximes sous forme de deux vers (distiques).
Où abondent les paroles le péché ne manque pas,
mais qui refrène son langage est un homme avisé (Pr 10,17).
Que vienne l’orgueil, viendra le mépris,
mais la sagesse est avec les humbles (Pr 11,2).
L’éloge qui est fait de la politique laisse à penser que certains proverbes viennent d’intellectuels qui gravitent dans l’administration autour du roi.
Faute de politique un peuple tombe ;
le salut est dans le nombre des conseillers (Pr 11,14).
La générosité, la circulation des biens, favorisent l’économie
Tel fait des largesses et s’enrichit encore,
tel autre épargne plus qu’il ne faut et connaît l’indigence.
Une personne généreuse sera comblée,
et qui donne à boire sera lui-même désaltéré.
Le peuple maudit l’accapareur de blés
mais bénit celui qui le met sur le marché (Pr 11, 24-26).
Le contrôle de soi est recommandé.
Le fou laisse éclater sur l’heure sa colère,
mais l’homme prudent avale l’injure (Pr 12, 16).
La sagesse dénonce l’arrogance.
Qui méprise son prochain pèche,
mais qui a pitié des humbles est heureux (Pr 14,21).
Elle appelle à la sobriété.
Mieux vaut peu de biens avec la crainte de Yhwh
qu’un grand trésor avec du tracas (Pr 15, 16).
Mieux vaut un morceau de pain sec et la tranquillité
qu’une maison pleine de festins à disputes (Pr 17, 1).
Elle incite au pardon.
Qui recherche l’amitié oublie les torts ;
y revenir sépare de l’ami (Pr 17, 9).
Elle fait l’éloge de l’humilité qui est la base de la sagesse.
Avant la ruine, l’esprit humain est plein d’orgueil ;
mais avant la gloire, il y a l’humilité (Pr 18,12).
Elle appelle à maîtriser son langage
La mort et la vie dépendent du langage,
qui l’affectionne pourra manger de son fruit (Pr 18,21).
Et à ne pas évoquer le sacré trop facilement.
C’est un piège pour l’homme de dire étourdiment : C’est sacré ! (Pr 20,25)
Car le sacré réside dans le fond de l’homme connu de Yhwh..
Le souffle de l’homme est une lampe de Yhwh qui explore les tréfonds de l’être (Pr 20,27).
La « connaissance de Yhwh », nourrie par l’étude des textes, la méditation et la prière, est la source et le moteur de la sagesse de l’homme. La prière intimement associée à l’étude devient plus importante que les sacrifices rituels.
Le sacrifice des méchants est en horreur à Yhwh,
il se complaît à la prière des hommes droits (Pr 15,8).
La pratique de la justice passe avant le culte.
Pratiquer la justice et le droit
est préféré par Yhwh au sacrifice (Pr 21,3).
Autres livrets
La suite du livre est composée d’une série de petites collections (22,17-24,22; 24,23-34; 25-29; 30,1-14; 30,15-33; 31,1-9; 31,10-31) qui présentent de grandes parentés avec les écrits de la sagesse égyptienne et ses conseils moraux.
Telles ces incitations à la prudence dans les relations:
Ne mange pas le pain de l’homme au regard mauvais et ne convoite pas ses bons plats ;
car il est comme quelqu’un qui a déjà pris sa décision ; « Mange et bois », te dit-il,
mais son cœur n’est pas avec toi ! La bouchée que tu viens d’avaler, tu la vomiras
et toute ton amabilité aura été en pure perte (Pr 23,6-8).
Mieux vaut un franc avertissement qu’une amitié trop réservée (Pr 27,5).
L’inspiration royale de ces maximes est manifeste.
La gloire de Dieu, c’est d’agir dans le mystère
et la gloire des rois, c’est d’agir après examen.
Les cieux en leur hauteur, la terre en sa profondeur
et le cœur des rois sont impénétrables (Pr 25,2-3).
Au milieu d’un grand nombre d’adages repris de recueils étrangers, l’auteur ne manque pas de glisser la référence à la crainte de Yhwh.
Ne jalouse pas intérieurement les pécheurs, mais toute la journée aie la crainte de Yhwh (Pr 23,17).
Mon fils, crains Yhwh et le roi. Ne te mêle pas aux novateurs ! (Pr 24,21)
Le livre se termine par un long poème sur la femme de valeur:
Une femme de valeur, qui la trouvera ?
Elle a bien plus de prix que le corail (Pr 31,10-31),
Épouse idéale, diligente, courageuse, soignée et conseillère avisée. Dans cette culture patriarcale, la femme de valeur symbolise en ce monde le bonheur dans la demeure céleste.
Conclusion
Au milieu de ces grandes et belles considérations sur la sagesse d’origine divine, certaines maximes semblent contredites par l’expérience au quotidien.
La malédiction de Yhwh est sur la maison du méchant,
mais il bénit la demeure des justes (Pr 3,33).
Aucune misère n’atteint le juste,
mais les méchants sont remplis de maux (Pr 12, 21).
Ces équations posent tout de même quelques petites difficultés !
Reste sans réponse le problème de la rétribution.